A l’heure où la Cour des comptes vient de rendre, à la demande du Sénat, un rapport accablant sur l’indigence des dotations matérielles de la police nationale, qui l’empêche de remplir ses missions de sécurité publique, des maires profitent de la situation sinistrée de la police de l’Etat pour développer leurs polices locales, aux ordres des maires, sur des territoires réduits.
C’est ainsi que l’actuel de maire de Clamart et son chef de la police municipal ont organisé le premier « salon des polices municipales et sécurité des villes » pour exposer un véritable marché à ciel ouvert des armements, système de vidéosurveillance, drones…, sorte de salon de la NRA des villes françaises.
Ils mettent ainsi en scène leur véritable ambition : supplanter la polie nationale, que la paupérisation organisée par l’Etat fragilise, voire délégitime, pour préempter finalement le service public de la sécurité publique.
Et force est de constater que cet opportunisme est bien aidé par l’Etat. La misère de la police nationale conduit les maires à se doter de polices municipales ultra bien dotées en matériel (armes à feu, tasers, voitures neuves,4×4, motos de grosse cylindrée.) qui provoque l’envie de la police nationale, si pauvre.
Mais c’est une sous-traitance locale de la sécurité, a des effets pervers évidents d’ores et déjà subis dans les territoires :
– une police locale qui obéit à une autorité locale, avec une politique de sécurité locale et non plus nationale : Cette situation aboutit d’une part à créer une inégalité des territoires, entre ceux qui peuvent se doter de ces services de sécurité et ceux qui n’en n’ont pas les moyens, tout particulièrement les territoires les plus fragiles, et d’une part à confier la sureté à certains élus bien connus pour abuser de leurs pouvoirs ;
– l’augmentation extraordinaire actuelle des moyens des communes alloués aux polices municipales (plusieurs millions d’euros annuels pour une ville moyenne) pour suppléer la PN conduit nécessairement à la réduction d’autres services publics locaux car ressources locales n’augmentent pas,
– la PN est alors réduite à portion congrue et moins implantée dans les territoires et perd alors de son expertise de terrain, pourtant nécessaire pour comprendre et prévenir la délinquance. On se souvient que les rapports successifs sur la prévention du terrorisme déploraient justement cette perte d’expertise. Il conviendrait donc au contraire de la renforcer car jamais les polices municipales ne pourront supplanter la police nationale en ces matières sensibles.
– L’atrophie de la police nationale et l’hypertrophie des polices municipales conduit des élus opportunistes à une surenchère pour s’accorder toujours plus pouvoirs, tels la connaissance des fichiers S, le pouvoir de conduire des enquêtes judiciaires (filatures, surveillance, etc) en matière de trafic de stupéfiants, dès lors que désormais elle détient les moyens matériels d’intervenir.
Toutes ces évolutions découlent d’une conjonction de circonstances : la paupérisation de la police nationale rampante et l’élection de certains élus désireux d’assurer les fonctions de shérif local.
Pour mettre fin à ces dérives dangereuses pour la sureté nationale, il est urgent d’engager un ambitieux plan de rattrapage budgétaire en faveur de la police nationale pour lui redonner les moyens de remplir ses missions et redéfinir les missions de la police du maire.
Pour aller plus loin :
https://www.ccomptes.fr/system/files/2018-09/20180919-equipement-forces-de-l-ordre_0.pdf
https://www.publicsenat.fr/emission/senat-360/collectivites-justice-police-132600